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Logement social : le gouvernement remet en cause l’objectif de mixité

L’annonce par Gabriel Attal, fin janvier, d’une révision du dispositif créé par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) a fait largement réagir, jusque dans son camp. Alors que ce texte impose aux communes les plus peuplées d’atteindre de 20 % à 25 % de logements sociaux parmi les résidences principales, le premier ministre souhaite intégrer dans ce décompte les logements dits « intermédiaires ».
La différence est de taille : tandis que les deux tiers de la population sont éligibles aux premiers, dont les loyers sont en moyenne inférieurs de 40 % à ceux du privé, seules les classes moyennes supérieures peuvent accéder aux seconds, loués de 10 % à 15 % moins cher que le prix de marché.
En ces temps de crise, le logement intermédiaire est utile dans les zones les plus tendues, mais le logement social se révèle indispensable. Il est une solution à la fois abordable et digne pour la plupart des 4,6 millions de personnes non ou mal logées, y compris les 330 000 personnes sans domicile, dont le nombre a plus que doublé en dix ans, selon la Fondation Abbé Pierre. Il constitue aussi une réponse à la baisse du pouvoir d’achat des travailleurs essentiels et des classes moyennes. Il n’y a d’ailleurs jamais eu autant de demandes recevables de logements sociaux : 2,6 millions.
Si les classes moyennes accèdent peu aux logements sociaux, c’est qu’ils manquent. Ceux qui y vivent ont de plus en plus de mal à les quitter, et il ne s’en crée pas assez : 82 000 ont été agréés en 2023, le nombre le plus bas depuis 2005. Cela s’explique par la baisse des moyens des bailleurs sociaux, auxquels l’Etat impose, depuis 2018, de réduire les loyers pour compenser la baisse de l’aide personnalisée au logement qu’il verse, et qui pâtissent de la hausse des taux du Livret A.
Votée en 2000, la loi SRU a été un moteur essentiel. Plus de la moitié des 1,8 million de logements sociaux créés depuis lors l’ont été dans le millier de communes déficitaires. Mais 600 000 manquent encore pour atteindre les 20 % à 25 % requis, et certains maires n’en créent pas ou très peu, préférant payer des pénalités − 2,8 millions d’euros pour Toulon sur trois ans, par exemple − qui financent le logement social.
« Cette loi inventée pour lutter contre les “ghettos” de riches et de pauvres a jusqu’ici échoué à réduire la ségrégation », souligne le sociologue Thomas Kirszbaum. Parmi les municipalités soumises à la loi SRU, les 10 % où le revenu médian est le plus élevé sont les plus en retard : « Seulement une sur dix a atteint son taux cible. A elles seules, elles doivent produire 18 % des logements sociaux manquants », a calculé Hugo Botton, doctorant en sociologie urbaine.
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